18 janvier, 2009

L'île des naufragés - 13. Chez le forgeur de chaînes



13. Chez le forgeur de chaînes

Ce fut une tempête chez le banquier:

— «L'argent est rare dans l'île, monsieur, parce que vous nous l'ôtez. On vous paie, on vous paie, et on vous doit encore autant qu'au commencement. On travaille, on fait de plus belles terres, et nous voilà plus mal pris qu'avant votre arrivée. Dette! Dette! Dette par-dessus la tête!»

— «Allons, mes amis, raisonnons un peu. Si vos terres sont plus belles, c'est grâce à moi. Un bon système bancaire est le plus bel actif d'un pays. Mais pour en profiter, il faut garder avant tout la confiance dans le banquier. Venez à moi comme à un père... Vous voulez d'autre argent? Très bien. Mon baril d'or vaut bien des fois mille dollars... 

Tenez, je vais hypothéquer vos nouvelles propriétés et vous prêter un autre mille dollars tout de suite.»

— «Deux fois plus de dette? Deux fois plus d'intérêt à payer tous les ans, sans jamais finir?»

— «Oui, mais je vous en prêterai encore, tant que vous augmenterez votre richesse foncière; et vous ne me rendrez jamais que l'intérêt. Vous empilerez les emprunts; vous appellerez cela dette consolidée. Dette qui pourra grossir d'année en année. Mais votre revenu aussi. Grâce à mes prêts, vous développerez votre pays.»

— «Alors, plus notre travail fera l'île produire, plus notre dette totale augmentera?»

— «Comme dans tous les pays civilisés. La dette publique est un baromètre de la prospérité.»

Par Louis Évan

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